Les Discours

Prof. Denis Mukwege pleure Dr. Byamungu Magadjo Gildoris et parle

Honorés confrères, Chers collaborateurs, Chers tous, C’est avec une douleur profonde que nous prenons parole aux cérémonies de derniers hommages à notre confrère, ami, mon disciple et mon cher fils Dr BYAMUNGU MAGADJU Gildo assassiné lâchement en date du 14 avril 2017, le vendredi saint.

Nous voulons présenter nos condoléances à la famille biologique du Dr. Byamungu Magadju, qui est aussi notre famille dans la joie comme dans la souffrance. Nous voulons l’encourager, et notre département des œuvres n’oubliera jamais le travail que notre frère a fait, n’oubliera pas sa famille, ni ses orphelins. Nous voulons remercier sincèrement l’autorité de la ville, le maire de la ville de Bukavu Mr. Philémon Yogolelo pour nous avoir permis de faire cette procession avec la dépouille mortelle de notre confrère de Panzi jusqu’au cercle sportif.

Nous avons pu constater que nous avons une police responsable qui peut protéger. Mais elle ne peut le faire que si elle a un commandement responsable et un ordre clair. Voilà pourquoi nous voulons remercier le général KANAKANGE KAPELA Jonas pour avoir déployé ses hommes et qui ont fait un travail professionnel. Dr Gildoris était un visionnaire, un homme de développement et surtout un homme de conviction qui croyait en l’avenir de son pays et de sa profession. Par conviction il avait transformé par des moyens endogènes le centre de santé de Kasenga à un hôpital général avec son ingéniosité, sa volonté de toujours bien faire, sa détermination de faire la différence. Dans sa tache il a bénéficié d’un soutien inconditionnel de notre cher papa le Rév. Pasteur KAVUYE, pasteur de l’église locale de Kasenga.

– Par conviction il voulait devenir un monument de la gynécologie dans la région et dans la province et il était en voie d’obtenir l’adhésion de ses collègues et l’estime de ses malades. Par conviction il a quitte sa terre natale dans le territoire de Kalehe pour élire domicile à Kasenga dans le territoire d’Uvira malgré les menaces et les attaques dont il a été victime. Il était convaincu que ce pays nous appartient tous. Qu’un congolais peut s’installer partout sur le territoire national.

Par conviction il n’a pas cédé aux extrémistes et lâches de tout bord qui viennent malheureusement de faucher sa vie et son brillant parcours de lutte contre l’obscurantisme et le fanatisme. Ils ont détruit sa vie de visionnaire. Assassiné à son lieu de travail, il a refusé de mourir à genou. Il est mort debout refusant de plier devant les ennemis de la paix et les barbares. Je peux vous assurer que ceux qui ont commandité la mort de Gildo n’auront jamais la paix. Ce crime est le résultat de l’absence d’un état de droit, de l’institutionnalisation de l’impunité.

Pendant plusieurs mois il a eu des menaces de mort, des incitations à la haine sur les ondes d’une radio locale. Toutes les autorités politiques, sécuritaires et administratives étaient informées par des lettres copiées à toutes les instances mais aucune protection efficace ne lui a été accordée. L’innommable est arrivé mais les présumés auteurs continuent à courir, à proférer et à inonder les réseaux sociaux, des propos haineux et injurieux, non seulement à mon égard (je le comprend puisque je suis vivant) mais aussi à l’égard du défunt sans aucun respect aux morts. Je regrette cette situation car cela traduit cette culture d’impunité qui sévi dans notre pays.

Ces criminels ont la garantie de la protection des commanditaires car il suffit de faire une enquête linguistique pour faire la similitude des propos haineux anonymes sur les réseaux sociaux qu’ils inondent aujourd’hui et les différentes lettres signées par les détracteurs du Dr Gildo et présumés commanditaires de ce crime. Mais qui veut faire cette enquête?

Il faut une volonté politique et une détermination judiciaire. Alors que nous constatons parmi nous, l’absence de ceux là qui devraient répondre à cette question, nous nous réjouissons de la présence du Procureur Général qui heureusement est devant nous. Sa présence traduit sa volonté de ne pas laisser ce crime impuni et nous rassure. Monsieur le procureur nous souhaitons qu’une enquête soit diligentée et que le droit soit dit. C’est pour cette raison que nous, corporation des médecins, continuons à exiger que l’assassinat du Dr. Gildo ne reste pas impuni.

Ce confrère était dévoué à soigner les malades comme tous les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, et tout le corps médical ici présent, qui donne la vie et qui soigne la vie. Elle ne demande qu’une seule chose à l’autorité provinciale, la protection. C’est le minimum que nous pouvons avoir du pouvoir en place. Nous crions haut et fort “plus jamais ça” et que justice soit faite. C’est élémentaire devant un crime crapuleux qu’un état responsable engrange une enquête pour identifier les criminels, les isoler afin de prévenir la propagation de la haine dans la communauté, empêcher et éradiquer toute forme de justice populaire. Éviter de créer ou de laisser évoluer des problèmes pour donner l’impression de donner des solutions. Ça, c’est une pire manipulation du peuple. L’état doit réagir en amont.

Gouverner, c’est prévoir. Le travail de mémoire est souvent négligé en République Démocratique du Congo. Mais après les discours de la famille et les pleurs des mamans ici présentes, nous devons comprendre que le travail de mémoire doit permettre d’éviter des drames. Le cas d’assassinat de Mr. Kamuina N’sampu chef coutumier du Kasai central est un exemple éloquent de la manipulation des masses ( créer un problème et faire semblant de trouver des solutions).

Ceci a déjà entrainé la mort de milliers des compatriotes sans raison. Nous ne voulons pas en arriver là par la manipulation de certains politiciens véreux. Nous avons tant souffert dans cette province. Nous comptons beaucoup de fosses communes et n’en voulons pas une de plus. Il faut que cette population s’assoit, discute comment vivre ensemble, et que ce crime ne soit pas exploité par des politiciens de tout bord pour créer un conflit ethnique là ou il n’y en a pas. Nous n’en voulons pas, nous voulons la paix. Et pour faire cette paix, chacun doit prendre ses responsabilités en contrôlant ce qu’il dit et ce qu’il fait.

Nous devons exorciser le démon de fanatisme et d’extrémisme qui peut malheureusement être utilisé pour nous entretenir dans la servitude. Aujourd’hui nous savons ce qu’est servitude et asservissement. Nous vivons aujourd’hui chez nous comme si nous étions à l’étranger (vous comprenez de quoi je parle). Nous devons nous opposer qu’on nous pousse encore une fois dans des conflits qui vont emporter les enfants de cette province pour justifier certaines décisions politiques. Nous crions haut et fort, plus jamais ça. Mais face à la haine et à la violence, nous répondrons toujours par l’amour et la paix. Nous serons fidèle à notre devise: chercher la paix; poursuivre la paix et la réconciliation entre les peuples de toutes langues et cultures; la survie de l’humanité en dépend. Plus jamais ça. Merci.

Denis Mukwege Mukengere

Apr 20, 2016 | Posted by | Comments Off on Les Discours
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