KOKO-DI-KOKO ENFIN CONDAMNÉ

20 Nov
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KOKO-DI-KOKO ENFIN CONDAMNÉ

Le procès du seigneur de guerre Masudi Alimasi Frédéric alias Koko-di-Koko a été clôturé, ce mardi 19 novembre 2019, par la condamnation du prévenu principal, à une peine de prison à perpétuité, et deux de ses consorts à une peine variant entre 15 et 20 ans.

Après un long marathon judiciaire, au chevet des victimes de Kabikokole, Kamungini, Keba, Wameli, Bimpanga et bien d’autres villages du territoire de Shabunda, les efforts de la Fondation Panzi ont fini par donner des fruits positifs.

En couronnement du long processus amorcé depuis le mois de février 2018, et qui fut corsé vers le milieu de la même année par divers organismes humanitaires, la Fondation Panzi a été présente dans le procès opposant les parties civiles issues des villages précédemment cités, toutes victimes des atrocités perpétrées par diverses factions du mouvement Mayi-mayi Raiya Mutomboki ; avec en tête de série, le groupe Raiya Mutomboki Koko-di-Koko.

Les différentes peines prononcées

Dans son jugement, le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu a reconnu les trois insurgés, Masudi, Samitamba et Mwilo, coupables des chefs d’accusation tels que le crime contre l’humanité par viol, crime contre l’humanité par esclavage sexuel, crime contre l’humanité par meurtre, crime contre l’humanité en infligeant des douleurs ou/et souffrances aigües, crime contre l’humanité par réduction en esclavage, crime contre l’humanité par disparition forcée, crime contre l’humanité par emprisonnement et crime contre l’humanité par autres actes inhumains.

Pour le chef de bandes Masudi Alimasi alias Koko-di-Koko, le Tribunal a retenu la peine la plus sévère selon le Statut de Rome, qui régit la Cour Pénale Internationale. A cet effet, en fonction de tous ces griefs mis à sa charge, Koko-di-Koko a été condamné à une peine de prison à perpétuité.

Dès ce jour, l’homme dont le nom donne des cauchemars aux habitants de Kabikokole a eu la confirmation de pouvoir passer le reste de sa vie en prison.

Par ailleurs, si les deux autres Raiya mutomboki ne seront pas détenus à perpétuité, ils ne sont pas non plus près de leur relaxation.

Pour Samitamba Mekesealias Kaburi Wazi, la prison sera son antre pendant 20 ans. Ce natif du Maniema a été recruté de sa province d’origine pour servir au sein du mouvement mayi-mayi, en territoire de Shabunda. Après une bonne période passée dans l’entourage du chef d’État-major du mouvement, Kenge Omari Donat dont il était garde du corps, Kaburi Wazi fut affecté à la brigade dirigée par Masudi Alimasi, qu’il accompagna dans toutes ses sales besognes. Masudi Alimasi Frédéric reconnait avoir été à Kabikokole accompagné par son AdmLog Samitamba Mekese.

Notons que c’est l’arrestation de Samitamba qui conduisit les militaires de l’armée régulière au quartier général de Masudi Alimasi Koko-di-Koko et, par ricochet, à l’arrestation de ce dernier.

Quant à Mwilo Katindi, il devra endurer la prison pendant 15 ans. Il a été mis à charge de cet élément, appartenant à la brigade du chef rebelle Ndarumanga pour les mêmes chefs d’accusation que ses deux consorts. Mwilo Katindi alias Masunzu avait été arrêté à Keba, en flagrant délit de viol, après une expédition qu’avait dirigée leur brigade à Keba et à Bimpanga. En état d’ébriété, après avoir démesurément pris de l’alcool, « Masunzu » était resté en train de commettre son forfait alors que ses compagnons  d’arme s’étaient déjà sauvés. Complètement déboussolé, Mwilo s’était retrouvé entre  les mains des forces loyalistes, venues traquer les malfrats, pendant qu’il espérait rejoindre ses collègues.

Campant sur la position du déni depuis le début de l’instruction, prétextant avoir un problème d’érection, Mwilo fut confus quand, à Kigulubeil fut confronté à la toute dernière victime qu’il a violée avant son arrestation. La suite de l’instruction finira même par révéler que Mwilo est père d’enfants, par opposition à l’argument d’impuissance sexuelle qu’il a toujours allégué.

Des acquittements

Faute d’éléments preuves, Mukulukilwa Mubake et Shabani Munganza Nonda ont été acquittés et libérés à l’immédiat. Ces deux familiers avaient été abusivement assimilés aux forces du seigneur de guerre Masudi Alimasi alias Koko-di-Koko ; chose qui ne sera jamais prouvé tout le long de l’instruction du dossier.

Le cas de ces deux résidents de Kamituga a suscité davantage de curiosité, du fait qu’ils n’ont jamais été confrontés à leur plaignant ni même un seul témoin à charge. Lors de l’audience en chambre foraine, qui s’est tenue à Kitutu, le Ministère public présenta deux témoins qui, au lieu de charger les deux familiers, les ont déchargés et ont révélé que c’est plutôt leur accusateur qui méritait la prison car lui-même est un redoutable chef de milice.

Face à cette évidence, le ministère public a simplement constaté l’innocence de Mukulukilwa et Shabani et, dans son réquisitoire, a plaidé pour leur acquittement.

La responsabilité de l’Etat congolais

Comme cela a été demandé par les conseils des parties civiles, l’Etat Congolais n’a pas été disculpé de ce dossier. Bien au contraire, les moyens de défense du conseil de la RDC ont été balayés d’un revers de la main par les juges du Tribunal Militaire de Garnison. Le civilement responsable, RDC reconnu coupable de sa négligence lors de la commission des diverses attaques contre les populations civiles, alors qu’il était bel et bien alerté par les populations en détresse.

A cet effet, la République Démocratique du Congo est condamnée, en solidarité avec les trois Raiyamutomboki, au paiement des dommages et intérêts, en termes de réparation, aux diverses victimes qui se sont constituées parties civiles. Par ailleurs, il faut noter que le montant des dommages et intérêts réservé à chaque partie civile a été établi selon le préjudice lui causé.

La réparation, une obligation à l’égard de l’Etat

Pour les conseils des parties civiles, la condamnation de l’Etat congolais est très significative et nécessite la mobilisation des avocats des victimes.

« L’Etat congolais vient d’être condamné conjointement avec les auteurs de ces dits crimes, et donc nous sommes satisfaits », a confié Me David Bugamba, conseil des parties civiles et coordinateur de la Clinique juridique de la Fondation Panzi.

Pour Me David Bugamba, le collectif  ne ménagera aucun effort afin de s’assurer que l’Etat congolais a rendu effective la réparation des préjudices causés aux victimes.

« L’idéal est de voir ces victimes-là recouvrer leurs droits. C’est d’avoir la réparation pour tous les faits qui ont été commis à l’égard de toutes ces victimes… Nous sommes ravis parce que la décision se résume à ce que les victimes recouvrent leurs droits mais aussi qu’elles soient prises en charge psychologiquement », s’est réjoui Me Bugamba.

Il sied de rappeler que la Fondation Panzi a été sur tous les fronts dans le dossier Koko-di-Koko. Après la commission des exactions à Kabikokole, en territoire de Mwenga, et à Bimpanga, Wameli, Parking, Keba, Kamungini et dans d’autres villages dans le territoire de Shabunda, la Fondation Panzi avait diligenté une équipe de réponse aux urgences pour la prise en charge holistique des victimes. Plus tard, grâce au plaidoyer de la Fondation Panzi, et du Professeur Denis Mukwege, la Task-Force Justice Internationale s’est déployée pour poursuivre en justice les auteurs de toutes ces exactions.

L’arrestation de Koko-di-Koko, et de son lieutenant Kaburi Wazi, s’ajoutant à celle de Mwilo, ont donné place à une série d’audiences forainesKitutu et à Kigulube], qui ont conduit la justice militaire à être éclairée sur le contexte dans lequel ont été commis tous ces forfaits.

Au sein de la Task-Force, plusieurs organisations ont apporté leur contribution pour la matérialisation de cette œuvre de justice. C’est le cas de la Fondation Panzi, de TRIAL International, du PNUD, du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits Humain …

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