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PDFBruxelles – 24 juin
Monsieur le Président du Parlement de la Communauté française,
Honorables députés,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens avant tout à remercier les membres du jury du Prix de la Démocratie et des Droits de l’Homme du Parlement de la Communauté française de Belgique – Fédération Bruxelles-Wallonie – pour avoir porté son choix sur notre combat mené à l’Hôpital de Panzi depuis 16 ans, dans un contexte de conflits et d’absence de retour à la paix.
Face à la violence et à la folie humaine, nous répondons par l’amour.
Face aux blessures physiques, nous réparons les corps.
Face aux traumatismes psychologiques, nous soignons les esprits.
Face à la discrimination et à la stigmatisation, nous encourageons l’autonomisation des femmes en renforçant leurs capacités et en favorisant leur rôle de leadership.
Face à l’impunité, nous facilitons l’accès à la justice aux patientes victimes de viol et de violences basées sur le genre.
Mesdames, Messieurs,
Nous ne pouvons continuer à réparer les conséquences de la violence. Nous devons traiter ses causes et prévenir la non répétition de ces crimes atroces commis sur le corps des femmes et des enfants, dont nous sommes les témoins chaque jour, moi et mon personnel. Telle est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans un plaidoyer pour la paix, la justice et l’alternance tant attendue vers la démocratie et le respect des droits humains.
Ce prix ne sera utile que si vous nous accompagnez sur ce chemin. 55 ans après l’indépendance, les Congolaises et les Congolais n’ont jamais connu un régime démocratique favorisant la promotion et la protection des droits fondamentaux, valeurs universelles que le Parlement de la Communauté française et l’Organisation Internationale de la Francophonie prônent à travers le monde. En RDC et dans les Grands Lacs, nous assistons à une dérive autoritaire inquiétante et à un rétrécissement de l’espace des libertés pour les citoyens, la société civile et l’opposition.
Mesdames, Messieurs,
Nous ne pouvons nous permettre d’assister passivement au sacrifice d’une nouvelle génération. La Belgique est le pays au monde qui a la plus grande expertise et les liens les plus étroits avec le Congo et les Congolais. Cette relation privilégiée permet à la Belgique de jouer un rôle naturel de leadership dans la région des Grands Lacs.
Dans un contexte pré-électoral volatil et explosif, nous attendons un positionnement clair de la Belgique, qui doit utiliser tous les leviers à sa disposition pour consolider une réelle transition démocratique et contribuer à l’édification d’un réel état de droit dans la région des Grands Lacs.
Mesdames, Messieurs,
Au cours de chacun de mes déplacements à l’étranger, chacun me demande ce qu’il peut faire pour nous aider dans notre lutte, et aujourd’hui, à Bruxelles, capitale de la Belgique et de l’Europe, je partage avec vous ce message clair : la mondialisation économique doit aller de pair avec le respect du principe d’universalisme des droits humains.
Une occasion unique se présente et doit être saisie : le Parlement européen a voté le 20 mai en faveur d’une régulation contraignante visant à garantir un approvisionnement transparent et responsable des minerais des conflits.
Nous savons tous les liens étroits existants entre l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles, le financement des groupes armés et les violations massives des droits de l’homme, dont le viol commis avec extrême violence sur les femmes est l’une des formes les plus graves, visant non seulement à détruire l’appareil génital des femmes, mais aussi à briser le tissu social des communautés, les acculer à l’exode ou les soumettre à l’esclavage.
Mesdames, Messieurs,
Le vote du Parlement européen est une victoire d’étape pour les droits de l’homme et la stabilité au cœur de l’Afrique centrale. Avec humilité et espoir, nous appelons aujourd’hui la Belgique à défendre cette position au sein du Conseil européen afin de contribuer à transformer les minerais de sang en minerais pour le développement et la paix.
Je vous remercie.
Dr. Denis Mukwege