Fragilité et compassion dans la pratique du personnel soignant

12 Oct
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Fragilité et compassion dans la pratique du personnel soignant

Les médecins de l’Hôpital Général de Référence de Panzi appelés à œuvrer pour la « resacralisation » de l’humain dans la région des grands-lacs.

C’était au cours d’une conférence animée par le Révérend Professeur Bernard Ugeux, le samedi 22 août 2020, sous les offices du Dr Denis Mukwege. Initialement prévue pour les médecins de l’hôpital, cette séance qui s’est déroulée dans l’enceinte de la Fondation Panzi, a finalement été ouverte à tout le personnel soignant et administratif de l’Hôpital de Panzi.

Lors de ces assises, le Révérend Ugeux, a rappelé aux participants le caractère sacré de l’être humain, qui qu’il soit. Conscient de la désacralisation de l’humanité qui a résulté de la perpétuation des conflits tribalo-ethniques dans la région des grands-lacs, ce prêtre catholique et anthropologue  a proposé comme remède : développer le sens de l’amour du prochain.

« La seule réponse à cette désacralisation de la personne, c’est de la resacraliser. C’est-à-dire de traiter cette personne comme je traiterais d’abord ma propre personne ; aimer les autres comme on s’aime soi-même. Ce qui suppose qu’on s’aime soi-même et on prend soin de soi », a soutenu le professeur Bernard Ugeux.

A l’intention des médecins, l’anthropologue a reconnu le caractère humain, qui leur augure la fragilité ainsi que la fatigue de compassion. Néanmoins, le professeur Ugeux les a mis en garde contre le sentiment d’orgueil qui pourrait les caractériser, et les pousser à ne plus servir leur société comme elle l’attend d’eux.

Ainsi il a préconisé un schéma : « Nous écouter les uns les autres, nous accepter dans nos fragilités, dépasser les attitudes de concurrence, de comparaison et de compétition, pour vraiment former une communauté soignante, et pas une course soignante ».

Par cette voie, le Révérend Professeur Ugeux croit qu’il est possible de « retrouver une éthique et retrouver une coopération pour guérir notre société », car selon lui,« la seule réalité sacrée, c’est l’être humain » et « qui touche à l’homme touche à Dieu ».

Prenant part à ces assises, le Dr Mukwege a tenu à rappeler au personnel de l’hôpital l’importance de de l’amour du prochain dans la pratique de la compassion. Faisant référence aux diverses exactions ayant présidé à l’installation de la crise de compassion, le Prix Nobel de la Paix a appelé ses collaborateur au rôle qui est le leur afin de sacraliser à nouveau la vie dans la Région des Grands-Lacs africains.

« L’homme a été désacralisé dans notre région. Mais nous, comme personnel soignant, nous avons le devoir de sacraliser la vie encore. Faire que la vie soit respectée. Aime ton prochain comme toi-même, et ne faites jamais aux autres ce vous ne souhaiteriez pas qu’on vous fasse », a-t-il insisté.

En effet, le personnel de l’hôpital est tout le temps en contact avec des patients, issus de différents coins du pays, et venus consulter pour diverses raisons. Ayant chacun son histoire, y compris ceux passés par des situations traumatisantes, ces patients nécessitent une prise en charge accompagnée de la compassion.

Notons que le Professeur et pasteur catholique Bernard Ugeux est formateur des prestataires de soins sur les valeurs éthiques. Présent dans la Région des Grands-Lacs depuis plusieurs décennies, il est témoin de diverses situations traumatogènes qui y ont prévalu depuis les années 90.

Outre sa connaissance légendaire de l’histoire de la région, le Père Ugeux a une expérience de délicatesse légendaire en matière de compassion. Depuis plus d’une vingtaine d’années, il vit avec un seul rein, car il  avait offert l’autre à quelqu’un qui le nécessitait pour sa survie ; d’où le choix porté sur lui pour animer la conférence à l’intention du personnel de l’hôpital.

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