LES SURVIVANT(E)S DE VIOLENCES DE KABIKOKOLE TÉMOIGNENT DEVANT LE TRIBUNAL

22 Oct
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LES SURVIVANT(E)S DE VIOLENCES DE KABIKOKOLE TÉMOIGNENT DEVANT LE TRIBUNAL

La TASK-Force Justice a appuyé l’organisation du Procès en audience foraine dans le dossier Koko-di-Koko, à Kitutu.  Du mercredi 25 au samedi 28 septembre 2019, Masudi Alimasi Frédéric [Alias Koko-di-Koko] a été confronté à ses victimes venues de Kabikokole.

Lors de ces comparutions, la Fondation Panzi a été au chevet des victimes qui se sont constituées en parties civiles. Dans la Task-Force, la Clinique juridique de Panzi est intervenue par le truchement de deux de ses avocats pour l’accompagnement judiciaire des parties civiles.

Cet épisode du procès s’est déroulé au bureau de la chefferie de Wamuzimu, en territoire de Mwenga. Dans une salle régulièrement remplie de curieux, les habitants de Kabikokole ont étalé au Tribunal Militaire du Sud-Kivu, les atrocités qu’ils ont subies de la part de Masudi et ses hommes.

Malgré le temps écoulé depuis l’avènement des atrocités à Kabikokole, les habitants de ce village peinent à perdre de vue le traumatisme que leur avait imposé Koko-di-Koko et sa bande. Grâce à l’assistance psychologique  de Panzi, les survivants de Kabikokole ont fait montre d’un air imperturbable quand ils devaient se retrouver  devant la personne qui leur a donné des cauchemars dans la nuit du 8 au 9 février 2018.

Lors de leur audition, les villageois ont su relater les événements tels qu’ils se sont déroulés. Plus d’une vingtaine de personnes fut emportée dans la brousse afin de servir d’esclaves sexuelles. Au vu des jours qu’ils ont passés sous la domination de Monsieur Masudi Alimasi, soit une semaine dans la brousse, les rescapés de la déportation parvenaient encore à  identifier sans faille leur bourreau d’entre 4 autres prévenus.

Une petite fille, alors âgée de 13 ans avait également été emportée par cette vague criminelle. Dans sa déposition, la jeune fille a raconté avoir été confiée à un des hommes de Koko-di-Koko, qui lui imposait des relations sexuelles forcées tout au long de ce périple. « C’est à cette même occasion que j’ai été déflorée », a-t-elle soutenu.

Bien d’autres victimes avec cagoule aux yeux et voix tordue,  ont raconté avoir été surpris aux environs de 17 heures, alors qu’ils vaquaient paisiblement aux travaux ménagers. Plusieurs femmes passées devant la barre, ont reconnu avoir été violées collectivement par les hommes de Frédéric Koko-di-Koko, et les hommes ont été victimes de tortures, de pillage et de destruction de leurs économies.

Une fillette qui n’a que 14 ans pour le moment, a révélé avoir été retirée de sa cachette et ramenée dans un de village. Son bourreau a abusé d’elle, la menaçant de la tuer si elle osait résister. Un peu plus tard, surgit dans la maison un autre malfrat de l’équipe de Koko-di-Koko qui s’adressa à son coéquipier avec exclamation : « Toi tu as une si bonne affaire ici !», a raconté la jeune fille, avant de rejoindre son ami dans sa sale besogne, toujours en menaçant la victime de la tuer si elle s’obstine à s’opposer.

« Pendant ce temps, Koko-di-Koko et les autres bandits étaient dehors en train de prendre de la bière, en jouant la chanson : Africa moto, baweyi na désert », a renseigné la jeune fille.

Autant de témoignages frappant ont été faits par la vingtaine de victimes qui a accepté de faire le déplacement de Kabikokole à Kitutu, lieu de l’audience foraine.  Les victimes ont également révélé qu’une des femmes déportée était restée détenue par les troupes de Koko-di-Koko jusqu’à présent.

Aveu partiel de Masudi Alimasi Koko-di-Koko

Au cours de cette série d’audience, Koko-di-Koko a brillé par un air imperturbable, alors que des graves crimes sont mis à sa charge.  Il ne nie pas avoir appartenu à un mouvement insurrectionnel, ni avoir été à Kabikokole et dans d’autres villages, cités dans la plainte formulée contre lui par le ministère public et les parties civiles.

Cependant, Frédéric Koko-di-Koko sait trouver des motifs fondés qui ont préludé à ses incursions dans les différents villages. « Ce sont mes frères qui vivent là-bas, et quand je m’y rendais c’était juste pour leur rendre visite […] J’étais toujours accompagné par mes troupes parce que je craignais que les éléments des FARDC ne me surprennent et qu’ils me fassent du mal », a-t-il confié au tribunal militaire du Sud-Kivu.

Pour son attaque sur Kabikokole, Koko-di-Koko a su minimiser les faits, les assimilant à de petits actes de vol orchestrés par certains de ses hommes lors d’une visite familiale dans ce village, où il n’a pourtant pas de famille.

« J’étais envoyé par Charlequin [un de ses chefs hiérarchiques au sein du mouvement Raiya mutomboki] pour aller récupérer sa maman. Arrivé dans le village, j’ai constaté que sa mère ne vivait plus dans ce village. Mes hommes ont pris quelques effets au sein du village, comme le lait de beauté, et nous sommes rentrés », a-t-il avoué. Il a reconnu cependant qu’un de ses hommes est parti avec une femme qui n’est plus rentrée jusqu’aujourd’hui. « Il s’agit du garde du corps de Charlequin ».

La version de fait de Koko-di-koko sera contredite par des témoins, qui ont dit ne pas reconnaitre « Charlequin » comme originaire de leur village. « La mère de Charlequin n’a jamais vécu chez-nous », ont soutenu les victimes.

Parmi les hommes inculpés avec Koko-di-Koko, on trouve un de ses subalternes directs. Samitamba a été placé dans l’entourage de Frédéric Masudi pour l’aider dans la gestion des questions administratives et logistiques.  Cet homme, qui nie pourtant avoir participé à différentes exactions mises à leur charge, se prend pour un cultivateur accusé à tort. Alors que son mentor revendique l’avoir eu dans ses rangs lors de l’intervention de Kabikokole, Samitamba dit avoir intégré les rangs de Koko-di-Koko après l’avènement de cette attaque.

Responsabilité de l’Etat Congolais

Parmi les victimes, un père de famille a mis un accent particulier sur la non-implication de l’armée congolaise, et d’autres services de sécurité,  lors de l’attaque du « Général Koko-di-Koko » et sa bande à Kabikokole. 

Alertés deux jours avant par un jeune homme qui disait avoir aperçu des hommes armés loin dans la brousse en direction de ce village, les villageois se sont organisés pour aller informer la position militaire la plus proche de leur village. Malheureusement, les forces de sécurité ne se sont jamais déployées dans ce village jusqu’au moment de l’attaque. 

Selon le sous-lieutenant Nyangezi, qui a avoué être arrivé sur place alors que les assaillants étaient déjà partis, ce déficit était dû à l’insuffisance des troupes. Comparaissant comme un renseignant, le sous-officier a décliné toute responsabilité de l’armée dans cette attaque car, a-t-il souligné « je ne suis pas le responsable du déploiement »!

Jusqu’à présent, la population de Kabikokole est abandonnée à son triste sort! L’armée congolaise n’est survenue qu’au lendemain de cette attaque, et est repartie un jour après. Lors de l’attaque de Koko-di-Koko, le village n’avait qu’un seul policier, et encore sans arme. A l’insurrection de la troupe de Koko-di-Koko, le policier a dû s’enfuir avec les civiles qui ont pu traverser le pont de singe avant qu’il ne soit détruit par les assaillants pour qu’ils opèrent dans la quiétude.

L’audience foraine de Kitutu a pris fin le samedi, 28 septembre 2019 avec l’audition de quatre témoins, à décharge, de deux co-prévenus de Frédéric Koko-di-Koko.

La suite du procès se tiendra en audience foraine à Kigugulube, en territoire de Shabunda, après l’audience de Mardi 1er octobre 2019 au palais de Justice militaire à Bukavu.

Dans la TASK-Force, la Fondation Panzi s’associe à TRIAL International et le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits Humains, pour la défense des parties civiles.

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